Des espèces d’animaux ont disparu de Montréal depuis 30 ans en raison des changements climatiques, mais d’autres y sont apparues, dont le coyote, selon des experts qui étudient le phénomène et qui ont permis auJournal de publier une carte de leur présence en ville.
François Chapleau
Biologiste
Il est impossible pour les experts consultés par Le Journalde chiffrer le nombre d’espèces qui ont quitté Montréal ou qui s’y sont établies à cause des changements climatiques. Cela dit, il est indéniable que la hausse rapide des températures moyennes prévue de 1,8 °C à 6,3 °C d’ici la fin du siècle aura un effet sur la flore et la faune urbaines, confirme François Chapleau, professeur de biologie à l’Université d’Ottawa.
En constante mutation
« Nous verrons des espèces s’ajouter à Montréal à cause des changements climatiques. Des choses insoupçonnées vont se produire », dit M. Chapleau. Il souligne que la modification accélérée du climat des trois dernières décennies affecte la flore, les insectes et les milieux humides dont dépendent beaucoup d’animaux.
« Nous constatons ce phénomène surtout grâce aux oiseaux. Beaucoup de gens en font l’observation et indiquent que de nouvelles espèces commencent à arriver sur l’île plus tôt au printemps, alors que d’autres sont en déclin », relate le professeur de biologie.
Des espèces ne nidifient plus sur l’île à cause des bouleversements causés entre autres par le réchauffement climatique. L’oriole de Baltimore, par exemple, ne se reproduit plus à Montréal. Certaines continuent de faire leur nid dans la métropole, mais connaissent des déclins importants, comme l’hirondelle bicolore, le goglu des prés, la grive des bois et le martin-pêcheur.
Plus de bernaches
En contrepartie, d’autres voient leur nombre augmenter de manière spectaculaire à Montréal, notamment la bernache du Canada, l’épervier de Cooper et le faucon pèlerin. Chacune profite à sa manière de nouvelles conditions qui lui permettent de se nourrir et de se reproduire.
Et pour la faune qui vit depuis toujours à Montréal, leur avenir dépendra de leur capacité d’adaptation et de leur résilience, surtout devant l’arrivée de compétiteurs et de nouveaux prédateurs, indique l’expert en biologie.
La hausse de températures a fait en sorte que des espèces sont maintenant plus à l’aise de migrer au nord.
« Je pense au coyote surtout, qui a su bien s’adapter aux grands espaces de la métropole. En 2013, la présence d’un seul opossum – considéré comme une peste aux États-Unis – a causé tout un émoi au centre-ville. On risque d’en voir de plus en plus à Montréal à l’avenir », dit le professeur de biologie.
Sensibilisation
« À l'heure de l'érosion de la biodiversité, il est important d'attirer l'attention des citoyens sur le sort des espèces en péril, c’est-à-dire celles qui sont protégées en vertu de la législation », souligne pour sa part Frédéric Bussière, conseiller en aménagement à la Division Biodiversité urbaine et à la Direction Gestion de parcs et biodiversité de Montréal.
♦ Ce dossier a été rendu possible grâce à la collaboration de la Division Biodiversité urbaine du Service des grands parcs, du Mont-Royal et des sports de la Ville de Montréal ainsi que de la direction du Deuxième Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional.
Mesures de protection
Des mesures ont été prises ces dernières années par la Ville de Montréal pour protéger certaines espèces. Elle a, entre autres, identifié 10 secteurs, appelés écoterritoires – par exemple, la Coulée verte du ruisseau De Montigny ou la Trame verte de l’Est situées dans Pointe-aux-Prairies.
L’installation d’un passage souterrain pour la faune à la suite du prolongement du boulevard Maurice Duplessis a permis de rétablir la connectivité écologique entre les habitats. Grâce à une caméra installée sur les lieux, la Ville a indiqué au Journal avoir pu confirmer la présence de la belette à longue queue qui a emprunté le passage.
Les incontournables de l’île
La faune sauvage est variée sur l’île de Montréal. Dans les 10 écoterritoires, marqués en vert sur notre carte, et le refuge aux oiseaux de l’île aux Hérons en rouge, des espèces qui peuvent sembler bien exotiques en ville trouvent des refuges vitaux pour se nourrir, s’abriter et se reproduire. Voici où vous pourrez les croiser.
MAMMIFÈRES
1• Castor
Présent dans plusieurs secteurs, au parc-nature de l’Anse-à-l’Orme, à l’ouest, dans la seule rivière intérieure de l’île ; au parc-nature du Ruisseau-De Montigny et de L’Île-Bizard. Leur population est contrôlée, car chaque castor abat en moyenne 216 arbres par année. Cela dit, leurs barrages créent des milieux humides très riches.
2• Raton Laveur
Ce mammifère intelligent est présent partout sur l’île. On considère qu’il y en a trop sur le mont Royal – jusqu’à une centaine par km2, soit trois fois plus que la densité des populations vivant en milieu naturel. Il fait l’objet d’une grande surveillance et de contrôle pour la rage.
3• Cerf de Virginie
Aperçu dans les parcs-nature du Cap-Saint-Jacques, de l’Anse-à-l’Orme, du Bois-de-l’Île-Bizard ainsi que dans le parc agricole du Bois-de-la-Roche. Trente-deux ont été recensés à la Pointe-aux-Prairies à l’hiver 2017. Il se déplace le long des voies ferrées, ce qui lui permet d’atteindre des secteurs éloignés.
4• Pékan
Ce petit mammifère carnivore semble vivre dans les zones boisées de l’ouest de Montréal. On n’en connaît pas le nombre.
5• Petit polatouche
Au Québec, on compte deux espèces d’écureuils volants : le petit et le grand polatouche. Le petit polatouche vit plus au sud. Bien qu’on suspecte sa présence dans l’ouest de Montréal, elle n’a encore jamais été confirmée.
6• Coyote
Il est arrivé à Montréal il y a 50 ans. La Ville a rendu public en décembre 2018 son dernier plan de gestion du coyote, dont la présence en milieu urbain pose des défis importants pour les pouvoirs publics. Depuis la mise en service de la ligne Info-coyotes, on constate qu’il est présent dans tous les arrondissements.
7• Renard Roux
Attiré par la population de rongeurs sur l’île, on en voit de plus en plus à Montréal, notamment sur le Plateau et dans différents quartiers, comme le secteur Milton-parc, Côte-des-Neiges et au Jardin botanique.
8• Chauve-souris rousse
En 2016, une première mention de cette espèce était confirmée sur l’île de Montréal, dans le parc agricole du Bois-de-la-Roche. Pour les chauves-souris en général, il y a des plans pour construire des dortoirs chauffés, notamment au parc-nature du Cap-Saint-Jacques cette année.
REPTILES
9• Couleuvre brune
Son aire de répartition se limite à la grande région de Montréal. Un bon nombre habite la falaise Saint-Jacques. Dans certains endroits, des aménagements ont été réalisés pour leur fournir un abri souterrain afin d’hiberner à l’abri du gel.
10• Tortue géographique
Pour favoriser sa reproduction, la Ville a aménagé l’Havre-aux-Tortues dans le parc-nature du Cap-Saint-Jacques. On en trouve entre 600 et 1000 sur l’île. On peut l’observer aussi au Bois-de-Liesse et à l’Île-de-la-Visitation.
OISEAUX
11• Dindon sauvage
Ces oiseaux proviennent à l’origine des États américains voisins, où ils ont été réintroduits. Le réchauffement climatique a favorisé son retour chez nous. Il nidifie sur l’île aux Hérons et l’île aux Chèvres. On l’aperçoit notamment au Jardin botanique et même dans des quartiers résidentiels.
12• Hibou des marais
À Montréal, sa présence en période de nidification serait limitée à l’écoterritoire de la coulée verte du ruisseau Bertrand.
13• Grand héron
On peut l’apercevoir partout sur l’île. On dénombre une colonie importante sur l’île aux Hérons, en face du parc des Rapides. C’est un archipel d’une douzaine d’îles qui est une aire protégée par Ottawa.
14• Goglu des prés
On le voit de mai à août dans les champs du parc-nature du Cap-Saint-Jacques, au parc agricole du Bois-de-la-Roche et sur le terrain de l’aéroport de Montréal. Cet oiseau effectue un périple de plus de 20 000 km jusqu’en Argentine pour y passer l’hiver.
15• Faucon pèlerin
Disparu du sud du Québec dans les années 1970, il se porte plutôt bien aujourd’hui. Plusieurs couples nichent à Montréal sur les bâtiments, ponts et falaises de carrières. Des nichoirs à leur intention ont même été installés, par exemple au pont Mercier et à l’Université de Montréal.
16• Grand Pic
Bien adapté à l’urbanisation, on l’observe souvent à Montréal, notamment au mont Royal ainsi que dans plusieurs parcs-nature, dont le Bois-de-l’Île-Bizard et le Bois-de-Liesse.
Les espèces moins connues de Montréal
Mammifères, reptiles et oiseaux de toutes sortes... la biodiversité de Montréal est surprenante. Gardez l’œil ouvert, vous pourriez avoir la surprise d’apercevoir une de ces créatures dans votre quartier ou lors d’une sortie dans un des parcs-nature de la ville.
MAMMIFÈRES
Mouffette rayée
- Longueur : 54 à 77,5 cm
- Poids : 1,6 kg
- Longévité : 3 ans
Marmotte commune
- Longueur : 44 à 65 cm
- Poids : 2,3 kg à 5,4 kg
- Longévité : 4 à 6 ans
Grande musaraigne
- Longueur : 9 à 15 cm
- Poids : 16 à 29 g
- Longévité : 1 à 2 ans
Souris à pattes blanches
- Longueur : 9,4 cm
- Poids : 22 g
- Longévité : 3,5 ans
Souris sylvestre
- Longueur : 9,6 cm
- Poids : 20 g
- Longévité : 2 à 3 ans
Tamia rayé
- Longueur : 15 cm
- Poids : 70 à 120 g
- Longévité : 3 ans
Lapin à queue blanche
- Longueur : 38 à 49 cm
- Poids : 1,1 à 1,5 kg
- Longévité : 3 ans
Porc-épic
- Longueur : 80 à 115 cm
- Poids : 5 à 16 kg
- Longévité : 5 à 7 ans
Rat musqué
- Longueur : 67 à 91 cm
- Poids : 800 à 1580 g
- Longévité : 3 à 4 ans
Belette à longue queue
- Longueur : 30 à 45 cm
- Poids : 85 à 270 g
- Longévité : 6 ans
Loutre de rivière
- Longueur : 1,5 m
- Poids : 5 à 14 kg
- Longévité : 8 à 9 ans
Vison d’Amérique
- Longueur : 54 à 83 cm
- Poids : 500 à 1290 g
- Longévité : 3 à 6 ans
REPTILES
Couleuvre à collier
- Longueur : 1 m
- Poids : 150 à 350 g
- Longévité : 12 ans
Couleuvre à ventre rouge
- Longueur : 40 cm
- Poids : 150 g
- Longévité : 10 à 12 ans
Grenouille des bois
- Longueur : 8 cm
- Poids : 7,8 g
- Longévité : 4 à 5 ans
Grenouille léopard
- Longueur : 6 à 10 cm
- Poids : 22 g
- Longévité : 6 à 7 ans
Grenouille verte
- Longueur : 12 cm
- Poids : 20 g
- Longévité : 10 ans
Ouaouaron
- Longueur : 20 cm
- Poids : 200 g
- Longévité : 8 à 9 ans
Salamandre à points bleus
- Longueur : 8 à 15 cm
- Poids : 15 g
- Longévité : 5 ans
Tortue peinte
- Longueur : 10 à 15 cm
- Poids : 125 à 475 g
- Longévité : 18 ans
Tortue serpentine
- Longueur : 20 à 50 cm
- Poids : 4,5 à 16 kg
- Longévité : 40 ans
Couleuvre tachetée
- Longueur : 60 à 90 cm
- Poids : 150 g
- Longévité : 20 ans
OISEAUX
Bernache du Canada
- En forte croissance
- Nombreuse
Bihoreau gris
- Présent sur l’île aux Hérons
Canard branchu
- Situation grandement améliorée
- Nidifie partout, même sur le mont Royal
Canard colvert
- Nidifie partout
- Plus grande population de canards barboteurs
Épervier de Cooper
- Augmentation spectaculaire depuis les années 1980
- Nidifie partout
- Un des rapaces diurnes les plus communs sur l’île
Grive des bois
- Nidifie possiblement à l’ouest
- Déclin majeur
Héron vert
- Diminution du tiers depuis 1990
- Commun sur l’île
- Niche près de l’aéroport
Hirondelle bicolore
Martin-pêcheur d’Amérique
- Effectifs en diminution
- Nidification probable au sud-ouest
Paruline flamboyante
- Effectifs stables
- Niche partout à Montréal
Passerin indigo
- En augmentation
- Niche partout sur l’île
- Population importante sur le mont Royal
Petit blongios
- Espèce menacée au Canada
- Persiste à quelques endroits sur l’île
Petit-duc maculé
- Hibou le plus commun sur l’île
LES TRÈS COMMUNS
Écureuil gris
Un symbole de Montréal. Ce rongeur ne se fait pas d’amis avec les habitants, mais est très populaire auprès des touristes. Toujours plus nombreux, les écureuils font de plus en plus de dégâts aux jardins, aux demeures et parfois même aux voitures.
Corneille d’Amérique
Cet oiseau noir très commun à Montréal est la corneille d’Amérique, et non pas son cousin le corbeau comme on l’appelle à tort. Ce dernier préfère les régions peu peuplées et niche généralement dans des falaises. La corneille est quant à elle très commune, autant en milieu urbain que rural. Elle niche dans les arbres.
Goéland à bec cerclé
C’est une autre espèce commune dont on doit préciser le nom. Ce qu’on appelle en général la mouette est plutôt le goéland à bec cerclé ou son cousin le goéland argenté. Leurs populations sont en diminution à Montréal. Ils nidifient surtout à l’est et au sud-ouest de l’île.
Pigeon biset
Le pigeon biset est originaire d’Europe, où il nichait sur des falaises. C’est ce qui explique pourquoi, dans les milieux urbains, il fait son nid sur des infrastructures qui ressemblent à des parois, comme des ponts, des viaducs et des édifices.
Rat
Il y en aurait environ cinq millions à Montréal. La plupart vivraient dans les égouts. Les plaintes causées par leur présence augmentent depuis quelques années, surtout dans les arrondissements Plateau-Mont-Royal, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Ville-Marie, Rosemont-La Petite-Patrie et Ahuntsic-Cartierville.
Moineau domestique
Il a été introduit à Brooklyn vers 1850-1852 depuis l’Europe afin de lutter contre les insectes nuisibles. Très heureux en ville, mais pas tant en banlieue ou en campagne, on le voit partout à Montréal. Depuis une trentaine d’années, son nombre baisse légèrement.