À la rencontre des oiseaux d’hiver
La région de Montréal offre un large éventail de possibilités pour l’observation de la faune, et notamment des oiseaux, y compris en période hivernale. Alors que la pandémie s’étire et pèse de plus en plus sur le moral des citoyens, certains estiment que l’occasion est belle pour prendre le temps de découvrir cette diversité biologique accessible en milieu urbain.
Ornithologue chevronné et bien connu du sud-ouest de Montréal, Jean-Marc Lacoste a publié récemment une vidéo qu’il a filmée à la mi-décembre dans le secteur du parc des Rapides, à Lachine. On peut y voir un couple de pygargues à tête blanche en train de construire un nid, une observation rarissime dans la région pour cette espèce considérée comme « vulnérable » au Québec.
Selon lui, la présence de cet impressionnant oiseau de proie témoigne surtout de l’importante diversité d’espèces qu’il observe tout au long de l’année, y compris en hiver, dans tout ce secteur situé sur le cours du fleuve Saint-Laurent, du parc des Rapides au parc O’Reilly, à Verdun.
« Les gens sont surpris d’apprendre qu’il y a des aigles. On peut même les voir chasser. Mais il y a aussi plusieurs autres espèces. Il y a beaucoup de canards, notamment dans le secteur des rapides de Lachine. Un ornithologue me disait souvent qu’on voit plus de canards l’hiver que l’été. Hier, j’ai vu plus d’une soixantaine de garrots à œil d’or en vol. Il y avait aussi des fuligules, des grands harles et des harles couronnés », explique M. Lacoste.
Uniquement depuis le début du mois de janvier 2022, le décompte des observateurs de la faune aviaire fait état d’au moins 26 espèces d’oiseaux identifiées dans le parc des Rapides et de 29 espèces au parc O’Reilly. Et encore, ces identifications ne couvrent qu’une très petite partie du spectre des espèces qu’on peut observer tout au long de l’année. Pour le seul parc des Rapides, M. Lacoste évalue qu’on peut y voir, sur l’ensemble de l’année, entre 120 et 140 espèces d’oiseaux.
« La quantité d’oiseaux est incroyable si on prend le temps de regarder, souligne Jean-Marc Lacoste. Il y a moins d’espèces l’hiver, mais on peut toujours en observer plusieurs. Et dans certains cas, comme pour les rapaces, il est souvent plus facile de les observer en hiver, puisqu’ils sont toujours très actifs. » C’est le cas du faucon pèlerin, une espèce qui a bien failli disparaître, principalement en raison de l’utilisation des pesticides.
Des rapaces en ville
Directeur général de l’organisme Québec oiseaux, Jean-Sébastien Guénette estime lui aussi que la période hivernale est propice à l’observation des oiseaux de proie en milieu urbain ou à proximité des villes. Il cite en exemple la buse à queue rousse, dont on peut voir des individus posés sur des fils ou des arbres, notamment le long de l’autoroute 10, ou encore le harfang des neiges, emblème aviaire du Québec depuis plus de 30 ans. Depuis quelques jours, on rapporte aussi des observations de la chouette lapone, le plus grand hibou d’Amérique du Nord.
M. Guénette ajoute que la région de Montréal compte de nombreux secteurs propices à l’observation d’une grande diversité d’espèces aviaires durant les mois les plus froids de l’année. « Au parc Jean-Drapeau, ce matin, j’ai vu une vingtaine d’espèces. Mais c’est un très bon site pour toutes les saisons. » Même constat pour le Jardin botanique de Montréal, pour le Technoparc Montréal, pour le parc Angrignon, pour plusieurs autres parcs de l’île et le parc national des Îles-de-Boucherville.
Il y a moins d’espèces l’hiver, mais on peut toujours en observer plusieurs. Et dans certains cas, comme pour les rapaces, il est souvent plus facile de les observer en hiver, puisqu’ils sont toujours très actifs.
« Tous ces sites ont la particularité d’être facilement accessibles, insiste Jean-Marc Lacoste. Nous sommes à proximité de parcs où on peut observer des oiseaux. Moi, je pars à pied de la maison pour aller les observer. On peut aussi y aller en vélo. »
Que les oiseaux soient présents ou non, ajoute-t-il, ce genre d’activité s’avère bénéfique, en particulier dans un contexte de pandémie, de confinement et de télétravail. « C’est bon pour notre santé physique d’aller à l’extérieur. Et s’il n’y a pas d’oiseaux, on peut toujours observer des paysages magnifiques. Le fleuve, en hiver, est superbe, avec les glaces, le gel, le dégel, etc. Nous sommes en ville et on se promène dans la nature. Tous les jours, je vois quelque chose d’intéressant. »
Même s’il n’existe pas de données précises à ce sujet, tout indique justement que plusieurs personnes ont découvert l’ornithologie depuis le début de la pandémie, selon Jean-Sébastien Guénette. L’organisme Québec oiseaux avait d’ailleurs lancé, dans les premiers mois de la pandémie, l’activité « Des oiseaux à la maison », afin d’inciter les citoyens à découvrir différentes espèces. Pas moins de 5000 inscriptions ont été comptabilisées.
M. Guénette souligne justement que l’observation des oiseaux très près de chez soi peut être un bon moyen de « sensibilisation » à la faune, notamment pour les plus jeunes. Pour cela, il existe aussi des outils, comme des applications qui permettent d’identifier plus aisément les espèces. On compte également des clubs d’ornithologie à Montréal. Il peut aussi être utile d’installer des mangeoires en période hivernale, mais à condition de bien les entretenir et les nettoyer pour éviter que celles-ci deviennent des lieux de transmission de maladies.
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C’est le nombre d’espèces d’oiseaux identifiées dans le parc des Rapides depuis le début du mois de janvier 2022, selon le décompte des observateurs de la faune aviaire.