samedi 21 juin 2025

Quand on fait des coupes de centaines de millions, c'est que l’éducation n’est plus une priorité

 

Coupures massives en éducation – 

pour la rentrée, ça n’augure vraiment rien de bon.




Jeremy Ghio

L’auteur est analyste politique.

On nous promettait de faire de l’éducation une priorité nationale. Pourtant, au moment où elle aurait le plus besoin de soutien, elle devient la première à payer le prix des mesures d’austérité du gouvernement.

Après que les Québécois se furent serré la ceinture sous les libéraux pour rétablir les finances publiques, la CAQ est arrivée au pouvoir avec un surplus de 7 milliards de dollars en 2018, un coussin budgétaire historique. Un surplus qu’elle a dilapidé au fil des ans, avant d’annoncer, la semaine dernière, des coupes d’environ 500 millions de dollars dans le réseau scolaire l’an prochain. Dans ce contexte, un seul constat s’impose : l’éducation n’est plus une priorité pour ce gouvernement.

Et pourtant, sur le terrain, les besoins sont immenses. Les écoles font face à une pénurie de personnel, à des classes surchargées, à des services spécialisés insuffisants et à des bâtiments souvent vétustes. Prétendre que ces mesures d’austérité n’affecteront pas les élèves relève tout simplement de la pensée magique. Chaque dollar en moins finit, tôt ou tard, par se traduire en une diminution des services pour les jeunes.

 

L’éducation n’est pas un secteur comme les autres. C’est le socle de notre société. Elle réduit les inégalités, stimule l’économie et offre de nouvelles possibilités. Investir en éducation, c’est investir dans notre avenir collectif. Réduire les ressources du réseau scolaire, c’est en compromettre les fondations.

Le contraste avec d’autres décisions budgétaires est saisissant. La mise en œuvre de la plateforme SAAQclic a englouti plus de 1,1 milliard de dollars. Le gouvernement a envoyé plus de 7 milliards en chèques à la population, y compris à des contribuables ayant de hauts revenus. Les élus se sont voté une hausse salariale de 30 %. Et on ne parle pas encore des milliards qui seront investis dans le troisième lien.



Un réseau fragilisé

Entendre le ministre de l’Éducation affirmer qu’il ne s’agit pas de coupes, mais simplement d’un « gel » des dépenses a de quoi faire sourciller. Quand la population étudiante augmente, que les réalités en classe se complexifient et que les exigences se multiplient, figer le financement équivaut à faire des coupes. Nier cette évidence, c’est refuser de voir la réalité en face.

Et cette réalité, c’est aussi celle d’un réseau auquel on en demande toujours plus. Amélioration des pratiques pédagogiques, évaluations plus fréquentes, enrichissement de l’enseignement : des objectifs légitimes, certes, mais qui nécessitent du temps, des ressources, de l’accompagnement. Or, ces moyens ne suivent pas. On fragilise le réseau tout en lui demandant de se dépasser. Bref, les bottines ne suivent pas les babines.

Gouverner, c’est faire des choix. Et les choix de ce gouvernement sont clairs. Peu importe la rhétorique, les priorités sont ailleurs. L’heure est à l’austérité et l’éducation ne fait plus partie des priorités.

Les écoles ne peuvent pas continuer à faire toujours plus avec toujours moins. Le personnel ne peut pas porter seul un système sous tension. Et les élèves ne doivent pas être les victimes silencieuses de décisions prises bien loin de leur réalité. Il est encore temps de corriger la trajectoire. Mais cela demande un minimum de courage politique. Il faut d’abord reconnaître que l’éducation n’est pas une dépense comme les autres. C’est l’un des investissements les plus puissants et les plus structurants que nous puissions faire pour le Québec de demain.

Le réseau scolaire ne peut pas et ne doit pas faire les frais des mesures d’austérité.