Coupures massives en éducation –
pour la rentrée, ça n’augure vraiment rien de bon.
Jeremy Ghio
L’auteur est analyste politique.
On nous promettait de faire de l’éducation une
priorité nationale. Pourtant, au moment où elle aurait le plus besoin de
soutien, elle devient la première à payer le prix des mesures d’austérité du
gouvernement.
Après que les Québécois se furent serré la ceinture
sous les libéraux pour rétablir les finances publiques, la CAQ est arrivée au
pouvoir avec un surplus de 7 milliards de dollars en 2018, un coussin
budgétaire historique. Un surplus qu’elle a dilapidé au fil des ans, avant
d’annoncer, la semaine dernière, des coupes d’environ 500 millions de
dollars dans le réseau scolaire l’an prochain. Dans ce contexte, un seul
constat s’impose : l’éducation n’est plus une priorité pour ce
gouvernement.
Et pourtant, sur le terrain, les besoins sont
immenses. Les écoles font face à une pénurie de personnel, à des classes
surchargées, à des services spécialisés insuffisants et à des bâtiments souvent
vétustes. Prétendre que ces mesures d’austérité n’affecteront pas les élèves
relève tout simplement de la pensée magique. Chaque dollar en moins finit, tôt
ou tard, par se traduire en une diminution des services pour les jeunes.
L’éducation n’est pas un secteur comme les autres.
C’est le socle de notre société. Elle réduit les inégalités, stimule l’économie
et offre de nouvelles possibilités. Investir en éducation, c’est investir dans
notre avenir collectif. Réduire les ressources du réseau scolaire, c’est en
compromettre les fondations.
Le contraste avec d’autres décisions budgétaires est
saisissant. La mise en œuvre de la plateforme SAAQclic a englouti
plus de 1,1 milliard de dollars. Le gouvernement a envoyé plus de 7 milliards en
chèques à la population, y compris à des contribuables ayant de
hauts revenus. Les élus se sont voté une hausse salariale de 30 %.
Et on ne parle pas encore des milliards qui seront investis dans le troisième lien.
Un réseau fragilisé
Entendre le ministre de l’Éducation affirmer qu’il ne
s’agit pas de coupes, mais simplement d’un « gel » des dépenses a de
quoi faire sourciller. Quand la population étudiante augmente, que les réalités
en classe se complexifient et que les exigences se multiplient, figer le
financement équivaut à faire des coupes. Nier cette évidence, c’est refuser de
voir la réalité en face.
Et cette réalité, c’est aussi celle d’un réseau
auquel on en demande toujours plus. Amélioration des pratiques pédagogiques,
évaluations plus fréquentes, enrichissement de l’enseignement : des
objectifs légitimes, certes, mais qui nécessitent du temps, des ressources, de
l’accompagnement. Or, ces moyens ne suivent pas. On fragilise le réseau tout en
lui demandant de se dépasser. Bref, les bottines ne suivent pas les babines.
Gouverner, c’est faire des choix. Et les choix de ce
gouvernement sont clairs. Peu importe la rhétorique, les priorités sont
ailleurs. L’heure est à l’austérité et l’éducation ne fait plus partie des
priorités.
Les écoles ne peuvent pas continuer à faire toujours
plus avec toujours moins. Le personnel ne peut pas porter seul un système sous
tension. Et les élèves ne doivent pas être les victimes silencieuses de
décisions prises bien loin de leur réalité. Il est encore temps de corriger la
trajectoire. Mais cela demande un minimum de courage politique. Il faut d’abord
reconnaître que l’éducation n’est pas une dépense comme les autres. C’est l’un
des investissements les plus puissants et les plus structurants que nous
puissions faire pour le Québec de demain.
Le réseau scolaire ne peut pas et ne doit pas faire
les frais des mesures d’austérité.