vendredi 2 septembre 2022

Les oiseaux les plus fascinants seront les premiers à s'éteindre - La Presse 24 juillet 2022 - Marion Renault - New York Times



Alors que la population de nombreux oiseaux de proie augmente, celle de la Crécerelle d'Amérique sort du lot et affiche une baisse à long terme à l'échelle nationale au Canada.



Paruline orangée :
En voie de disparition "Le terme « en voie de disparition » signifie que cette espèce vit à l’état sauvage en Ontario, mais risque de disparaître de façon imminente."

Héritage Laurentien a été mandaté par Environnement Canada pour réaliser un projet de protection et de recensement des colonies de sternes pierregarins situées sur les petites îles rocheuses, au large des arrondissements de Verdun et Lasalle. Plusieurs perturbations anthropiques et naturelles nuisent au succès de reproduction des sternes nichant sur les îles en question. "


Le Martinet ramoneur est maintenant désigné menacé. Selon le Relevé des oiseaux nicheurs, entre 1970 et 2019, la population canadienne du Martinet ramoneur a chuté de 88 %. Au Québec, il ne resterait guère plus que quelques milliers de couples nicheurs.  
Un dortoir de Martinets ramoneurs, soit la cheminée de l'école Notre-Dame-de-la-Paix à Verdun a été détruit !

Une espèce en péril

Autrefois nombreuses, les populations d’Hirondelles noires ont diminué de façon inquiétante dans l’est de l’Amérique du Nord. Selon le Relevé des oiseaux nicheurs, sa population au Québec a chuté de 99 % entre 1970 et 2019.

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La crise de la biodiversité touchera plus directement les membres distinctifs de la famille aviaire. 

Préparez-vous à un monde qui « est vraiment simple, brun et ennuyeux ».

L’ibis géant mérite bien son nom.

Les adultes du plus grand oiseau de la famille des ibis peuvent atteindre une longueur de près de 1,5 m, peser plus de 3 kg et être dotés d’un bec de 10 cm qui rappelle le masque d’un médecin de la peste vénitienne.

L’espèce est également en danger critique d’extinction depuis 1994, poussée au bord de l’extinction par la chasse, la perturbation de son habitat et la déforestation. Aujourd’hui, il reste moins de 200 membres matures de l’espèce dans son aire de répartition d’origine en Asie du Sud-Est, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Selon une étude publiée jeudi dans la revue Current Biology, l’ibis géant ainsi que d’autres espèces d’oiseaux au physique particulier, de forme caractéristique ou de grande taille sont plus susceptibles de disparaître dans le cadre de la crise actuelle de la biodiversité. Cela s’explique par le fait que les activités humaines menacent ou ont détruit les habitats restreints dans lesquels ils ont évolué.

Selon l’étude, le risque d’extinction n’est pas réparti de manière aléatoire ou égale dans l’arbre de vie aviaire. Au contraire, des oiseaux comme le calao des Sulu (avec son bec d’onyx énorme et creux), le cormoran des Chatham (qui ressemble à un pingouin avec un éclat métallique), le héron impérial de 1,20 m de haut ou le hibou petit-duc scieur de 17,5 cm de haut et endémique aux Seychelles sont plus susceptibles de disparaître définitivement de la Terre.

« La crise d’extinction mondiale ne signifie pas que nous ne perdons que des espèces », explique Emma Hughes, écologiste à l’Université de Sheffield, en Angleterre, et coauteure de l’étude.

Cela ne signifie pas non plus que nous ne perdons que les oiseaux les plus attrayants.

« Nous allons assister à une perte majeure de stratégies et de fonctions vitales », ajoute-t-elle, en faisant référence aux adaptations qui sont à l’origine des caractéristiques inhabituelles de nombreux oiseaux.

Pour cette étude, Emma Hughes et ses collègues ont examiné un ensemble de caractéristiques physiques – taille du corps, dimension et forme du bec, longueur des pattes et des ailes – de 8455 espèces aviaires figurant dans les collections des musées d’histoire naturelle. Ils ont également examiné la diversité phylogénétique, une mesure qui reflète les différences évolutives entre les espèces et qui peut saisir des caractéristiques telles que le chant des oiseaux, les propensions migratoires et les styles de recherche de nourriture et d’alimentation.

Ils ont ensuite éliminé séquentiellement des espèces, en commençant par les plus menacées avant de passer aux moins menacées, et ont mesuré l’impact sur la diversité anatomique et phylogénétique au fur et à mesure. Ils ont constaté qu’à force d’éliminer les espèces menacées, les oiseaux restants se ressemblaient de plus en plus, ce qui a entraîné une réduction écologique dans la plupart des biomes et la moitié des régions écologiques, mais surtout en Asie de l’Est et dans l’Himalaya.

Selon Eliot Miller, chercheur et responsable des collections au Cornell Lab of Ornithology, qui n’a pas participé à la rédaction de l’article, l’étude jette un nouveau regard sur les prévisions scientifiques concernant les pertes aviaires majeures.

« Ce dont nous parlons ici est observable. C’est en train de se produire. Il ne s’agit pas simplement d’espèces qui disparaissent au hasard. Il y a une certaine prévisibilité. C’est important, même si c’est un peu décevant. »

— Eliot Miller, chercheur et responsable des collections au Cornell Lab of Ornithology

LES PLUS GRANDS ET LES PLUS PETITS D’ABORD

L’article montre que les espèces les plus menacées sont aussi les plus distinctes génétiquement, comme l’ibis géant ou l’outarde du Bengale, l’outarde la plus rare du monde, dont il ne reste que quelques centaines d’individus dans une bande étroite s’étendant sur le Cambodge, l’Inde et le Népal. L’étude suggère également que les oiseaux situés aux deux extrêmes du spectre des tailles – de l’érione turquoise, un colibri de 10 cm de long, au perroquet kakapo, dont la taille peut égaler celle d’un sac à dos – sont davantage menacés d’extinction.

« Nous perdons les espèces les plus grandes et les plus petites », affirme Mme Hughes.

Cette perte de diversité morphologique est étroitement liée à une perte des rôles écologiques que chaque espèce joue dans l’habitat qu’elle occupe, explique l’écologiste.

Après tout, l’apparence d’un oiseau est souvent liée à son mode de survie ; les colibris utilisent des becs longs et fins pour siroter délicatement le nectar, tandis que le bec en forme de poche du pélican lui permet de capturer des proies aquatiques et de les engloutir entièrement.

Et les oiseaux ne se contentent pas de voler dans le vide. Ils pollinisent les plantes, répandent les graines, luttent contre les parasites, régénèrent les forêts et sculptent, creusent ou construisent des maisons pour de nombreux autres organismes. Lorsqu’une espèce aviaire distinctive disparaît, le trou qu’elle laisse dans son habitat peut avoir une incidence importante, voire être impossible à combler.

« L’écosystème s’effiloche », résume M. Miller.

Le nouvel article, par exemple, révèle que les vautours sont menacés de manière disproportionnée malgré leur rôle écologique précis. En tant que charognards, les vautours aident à éliminer les carcasses en décomposition qui, autrement, transmettraient des maladies infectieuses ou nourriraient des charognards plus petits comme les rats et les chiens qui, à leur tour, peuvent transmettre la rage et la peste bubonique aux humains.

« Il y a certaines choses que les oiseaux font dans les écosystèmes qui sont importantes pour nous. Nous sommes potentiellement en train de perdre des espèces qui pourraient être bénéfiques à l’humanité. »

— Emma Hughes, écologiste à l’Université de Sheffield et coauteure de l’étude

L’étude montre également que les habitants à plumes de la planète sont de plus en plus homogènes.

Déjà, dans le monde des oiseaux, « presque tout est vraiment simple, brun et ennuyeux », décrit M. Miller.

La crise actuelle ne va pas seulement nous coûter un certain nombre d’espèces, mais aussi appauvrir la biodiversité qui nous reste, dit-il, ajoutant : « Cela montre que nous rendons en quelque sorte le monde moins riche par nos actions. »

Cet article a d’abord été publié dans le New York Times.